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Chapitre 34


     

     Ce matin-là, Ania et Charles s’étaient levés de bonne heure. Après un bon petit déjeuner, ils avaient sorti l’Opel Kapitän du garage et s’étaient mis en route. Fidèle et fiable depuis cinq ans, la jolie voiture rouge et crème était restée la propriété de Charles. Autant lui qu’Ania adoraient cette auto. Le jeune homme avait enseigné la conduite à son amie et, en 1961, elle avait aisément réussi son permis de conduire. Au programme de ce 11 août 1963, figuraient plus de 750 kilomètres de route. De Neuchâtel, Ania avait conduit jusqu’à Saint-Gall. Puis Charles avait alors pris le relais jusqu’à Innsbruck. Là, les deux jeunes gens avaient fait une halte, histoire de combler un estomac ne criant pas vraiment famine, surtout en ce qui concerne Ania. Comme à la veille d’un grand événement, celle-ci se montrait de plus en plus anxieuse. Charles était beaucoup plus calme mais, au fond de lui, une certaine fébrilité commençait lentement à poindre. Sur le coup de 14 heures, tous deux reprirent la route. Il faisait une température caniculaire et le temps était à l’orage. Dans un ciel lourd et chargé de gros nuages gris, après onze heures de route, l’Opel stoppait enfin devant leur hôtel de Klagenfurt. Après une douche très rafraîchissante, ils mangèrent dans un petit restaurant de la ville. Ania éprouvait beaucoup de peine à sourire et demeurait sans grand appétit. Dans ses yeux, Charles retrouva le même éclat que lorsque tous deux avaient découvert les lettres cachées par les parents d’Ania. Un mélange d’anxiété et de désarroi, de doute et d’interrogation. Lentement, le jeune homme s’empara de la main de son amie. Ania tenta de lui sourire, mais le cœur n’y était pas. Serrant très fort sa main dans la sienne, Charles lui dit qu’elle ne devait pas avoir peur, ni même douter. Rien n’allait lui arriver. Ils étaient là parce qu’elle et lui l’avaient décidé. Ils devaient retrouver Kenetz. Et Ania devrait l’identifier. Après… Le jeune homme laissa sa phrase en suspens. La jeune femme ramena son bras contre elle et, soudain, elle enfouit son visage entre ses mains. En même temps qu’elle la rendait impatiente, l’idée de devoir identifier l’assassin de ses parents la terrorisait littéralement.
     

     Le lendemain matin, les deux jeunes gens allèrent garer leur voiture dans un parking public. Emportant avec lui le petit sac de voyage contenant, dans son double fond, le pistolet SIG ayant passé la frontière sans encombre, Charles partit alors en direction du centre de la ville. Ania demeura quelques minutes de plus dans l’automobile, puis elle la quitta à son tour et prit la direction opposée à celle de son ami. Très belle, la jeune femme était vêtue d’un pantalon et d’un chemisier bleu ciel. Elle avait dissimulé sa chevelure dans un foulard blanc et portait des lunettes de soleil. Après avoir marché dix minutes, elle arriva à la gare de chemin de fer. Là, elle s’assit sur un banc et patienta jusqu’à ce qu’une VW coccinelle blanche vint se garer non loin d’elle. Ania s’y engouffra rapidement. Au volant, Charles démarra sans plus attendre. Köttmannsdorf se trouvait à une dizaine de kilomètres plus au sud. Après quinze minutes de route, et après avoir passé le panneau indiquant le nom du village, la VW coccinelle de location s’arrêta. Sur leur carte, tous deux parvinrent facilement à se repérer. Le village était minuscule et la scierie devait se trouver à quelques encablures de là, au bord d'une petite route montant dans la forêt. Charles remit la coccinelle en marche. Après une vingtaine de secondes, il tourna à gauche et s’engagea lentement sur le chemin de cailloux. Cent mètres plus loin, la voiture vint se ranger sur une large place d’évitement. Ania croisa le regard de son ami et dirigea le sien sur la scierie, distante de moins de cent mètres. Celle-ci semblait en fonction, car tous deux distinguaient clairement le bruit caractéristique des scies. Par contre, il n’y avait pas le moindre signe de vie alentour. Charles prit la main d’Ania dans la sienne et l'interrogea du regard. Sans hésiter, la jeune femme lui fit signe qu’elle était prête. Le jeune homme coiffa alors une casquette et chaussa ses lunettes de soleil. Puis il remit la voiture en marche et vint la garer juste devant la scierie. Ils quittèrent alors la VW et se dirigèrent dans la direction d’où provenaient les bruits de scie. L’endroit était plongé dans la pénombre et ils éprouvèrent un peu de peine à y habituer leurs yeux. Soudain, semblant surgir de nulle part, un homme se dressa devant eux. Ania ne put réprimer un violent tressaillement, ce que l'homme remarqua. Confus, il demanda aux jeunes gens de l’excuser de les avoir effrayés et en quoi il pourrait leur être utile. D’une voix sûre, Charles expliqua alors que lui et son épouse allaient prochainement venir s’installer dans la région et que, ayant prévu d’effectuer des travaux de rénovation sur le chalet qu’ils venaient d’acquérir, ils désiraient savoir si le propriétaire de la scierie consentirait à leur vendre quelques planches de sapin. L’homme leur répondit que ce serait certainement possible, mais qu’ils devaient pour cela s’adresser au propriétaire, monsieur Klugler. Ni Ania, ni son ami ne semblèrent avoir compris. Alors l’homme enchaîna et leur dit que son patron était en déplacement à Klagenfurt, mais qu’il serait de retour en fin d’après-midi. S’étant repris, Charles demanda alors s’ils pouvaient parler à monsieur Jöltzer. L’homme esquissa un vague sourire et lui répondit que Franz Jöltzer était l’ancien propriétaire de la scierie, mais que cela faisait maintenant dix mois qu’il avait quitté la région, après avoir vendu son bien à Karl Klugler. Charles osa pousser le bouchon un peu plus loin et demanda à l’homme si lui ou son patron savaient où se trouvait maintenant Jöltzer. Réponse négative de leur interlocuteur. L’ancien propriétaire ne leur avait pas laissé sa nouvelle adresse. L’homme parut soudain se rendre compte que les jeunes gens semblaient avant tout intéressés par cet homme plutôt que par le bois que son patron serait susceptible de leur fournir. D’un air devenu soupçonneux, il leur demanda s’ils connaissaient l'ancien propriétaire de la scierie. Ania répondit sans hésitation que l’année dernière, alors qu’ils étaient venus voir le chalet qui maintenant leur appartenait, on leur avait recommandé, pour tout achat de bois, de s’adresser à la scierie Jöltzer. L’homme semblait convaincu et Charles lui dit alors qu’ils allaient repasser en fin d’après-midi, lorsque son patron serait de retour. Puis, sans demander leur reste, les jeunes gens regagnèrent leur voiture et s’en allèrent. Cinq cents mètres plus loin, Charles stoppait la VW sur un petit parking situé devant un entrepôt. Avant même qu’il n’ait coupé le moteur, Ania se jeta dans ses bras. Son trouble, elle le devait autant à la peur qu’à la déception. En voyant surgir devant elle l’homme de la scierie, elle avait eu la frousse de sa vie d’adulte. Car, pendant une fraction de seconde, elle avait vraiment crû se trouver en face de Kenetz. Mais très vite elle s’était rendu compte que ce n’était pas lui. L’ignoble SS avait quitté la région. Ils avaient donc entrepris ce voyage pour rien. Charles, lui aussi, se sentait découragé. Mais il sut trouver les mots pour qu’Ania parvienne à relativiser. Après être restés quelques minutes enlacés, tous deux convinrent de se mettre à la recherche de la mairie du village. Là, peut-être en apprendraient-ils davantage sur le lieu pour lequel Jöltzer-Kenetz avait quitté le hameau…
     

     Comme presque partout ailleurs, la mairie de Köttmannsdorf se trouvait au centre du village. Les jeunes gens l'avaient très vite trouvée mais, en quittant ses locaux, aucun des deux n’affichait la mine du vainqueur. Stéréotype parfait de la pécore, la préposée au registre communal leur avait jeté à la face que sa mairie ne fournissait pas le genre de renseignement qu’ils recherchaient. Et de toute façon, avait-elle ajouté, Franz Jöltzer n’avait laissé aucune nouvelle adresse. "Punkt, schluss"  ! L’entretien était terminé. Dépités, Ania et Charles ne savaient trop que faire. Finalement, et en dernier ressort, ils décidèrent de demeurer dans le village. Ils convinrent de se séparer et de partir, chacun de son côté, à la recherche de cette information dans des lieux publics. En fait de lieux publics, il y avait là un minuscule bureau de poste, une épicerie à peine plus étendue et un estaminet paraissant aussi minable que sa misérable enseigne. Charles se chargea des deux premiers, Ania du troisième, pompeusement baptisé "Bierhalle" . Echecs cuisants pour le jeune homme : rien à l’épicerie, rien à la poste ! Mais l’employée de la seconde, beaucoup plus aimable que celle de mairie, lui avait dit qu’elle aurait bien consenti à l’aider, mais que Jöltzer n’avait laissé aucune adresse où acheminer l’éventuel courrier arrivant après son départ. Déçu, le jeune homme quitta le bureau de poste et se dirigea vers le troquet dans lequel Ania s’était rendue. Il en était à moins de cent mètres lorsqu’il aperçut son amie qui quittait l’établissement. Celle-ci, marchant très rapidement, se retourna alors et vit que le barman était sorti sur son pas de porte pour la regarder s'en aller. Deux minutes plus tard, les deux jeunes gens étaient réunis dans la Volkswagen… 
     Charles était suspendu aux lèvres d’Ania. Elle lui raconta alors son entrevue avec le tenancier du bar, un personnage haut en couleurs. Vêtu à la tyrolienne, il portait un short à bretelles en daim et une chemise de flanelle. A son cou était nouée une cravate, sans doute découpée dans le carreau vichy des rideaux de sa cuisine. Bas de laine écrue remontés jusqu'aux genoux, il était chaussé de gros souliers à clous. Sur son crâne trônait un chapeau tyrolien, sans doute taillé dans la même pièce que son short. Tout le pourtour de ce superbe couvre-chef était orné d'edelweiss et gentianes finement brodés. Afin de compléter cette apparence pour le moins pittoresque, une louche à crème miniature, en or, était accrochée par une fine chaînette au lobe de son oreille gauche. Joues couperosées, rouflaquettes et imposante moustache en guidon, complétaient ce magnifique tableau. Cet original barman, tout droit issu d'un groupe de Volksmusik  et visiblement tombé sous le charme de la jeune femme, s’était montré fort prolixe. Il avait bien connu Jöltzer. Ce dernier passait souvent  boire une bière, le soir dans son établissement. Et pas qu’une, en général, parce qu'il vénérait la dive bouteille. Ania s’était sentie mal à l’aise, le regard que le barman portait sur elle ne lui plaisant pas du tout. De plus, à cette heure-là de la journée, le bistro était désert et cela ne l’avait pas du tout rassurée. Après avoir commandé un café et refusé le schnaps que le barman se proposa de lui offrir, elle alla directement à l'essentiel et lui raconta qu'elle devait prochainement rejoindre la Carinthie et s'installer dans le village. A l'éclat manifeste passant dans son regard, elle fut persuadée que si quelqu’un devait lui dire où était parti Jöltzer, ce serait ce type-là. Prétextant avoir de la famille portant ce nom, et surprise qu’un homonyme ait habité ici, elle avait déposé sans autre l'enjeu sur le zinc du bar. Et soit Helmut (parce qu’il s’appelait Helmut) était hypnotisé par la beauté d’Ania, soit il était nul au poker. Ou les deux à la fois ! Car il sauta à pieds joints dans le piège. Le barman lui avait appris que, ayant trouvé une scierie à reprendre, le menuisier était allé s'installer dans un petit village du Vorarlberg, dont il avait oublié le nom mais qui se trouvait à proximité de la station de sports d'hiver de Sankt-Anton. Bingo ! Le coup de bluff de la jeune fille avait fonctionné à merveille. Prétextant alors un rendez-vous urgent pour s’éclipser, Ania l’avait remercié et, le gratifiant d’un sourire angélique, elle avait quitté l’établissement. Pataugeant dans son gélifiant extase, le serveur lui avait alors lancé un "Bis bald, Fraülein"  aussi jovial que débordant d’illusions.
     

     De retour à Klagenfurt, Charles avait rendu la VW coccinelle et avait repris sa voiture pour la ramener au parking de l'hôtel. Il était 13 heures et les deux amoureux déjeunèrent dans l’excellent restaurant de l'établissement. Qu'allaient-ils décider de faire par la suite ?  Puisque leur trajet de retour, comme celui de l'aller, devait les faire traverser le Vorarlberg, ils partiraient le lendemain et rejoindraient Sankt-Anton. Mais d'abord, et immédiatement après leur repas, ils se rendirent dans le bureau de poste le plus proche, afin de consulter le bottin de téléphone du Vorarlberg. Sur sa carte routière, Charles releva les noms d’une dizaine de villages entourant Sankt-Anton. Malheureusement, dans aucun de ceux-ci ne figurait un abonné au téléphone du nom de Jöltzer. Cherchant alors sous "Scierie", ils en trouvèrent quatre, dont deux seulement mentionnaient le nom de leur propriétaire. Hélas, aucune de celles-là n’était établie au nom de l’homme qu’ils recherchaient. Finalement, ne leur restait donc que deux établissements à vérifier, afin de savoir si l'un d'eux appartiendrait à l'ancien SS. La première scierie était établie dans le village de Landeck et l’autre dans celui de Schruns. Dans la cabine téléphonique, Charles composa sans hésiter le numéro de téléphone de la première. Cinq minutes plus tard, dépités, le jeune homme et Ania devaient se rendre à l'évidence : le nom de Jöltzer était inconnu dans ces deux commerces de bois. Que pouvaient-ils donc faire pour retrouver la trace de cet assassin ? Aucun des deux n'en avait pour l'instant la moindre idée. Découragés, pour ne pas dire à la dérive, afin de se changer les idées, ils décidèrent d'aller visiter un peu la ville. Ania était d’une humeur massacrante. Contrariée par cette issue totalement inattendue de leur expédition, et un peu furieuse aussi de s’être lancée dans cette aventure sans avoir, au préalable, pris le temps de vérifier si Kenetz-Jöltzer habitait toujours la région. C'est pourtant une chose qu'elle avait faite après avoir lu la lettre de Simon Wiesenthal à ce sujet. Mais c'était en juin de l'année précédente et, à ce moment-là, le service des renseignements internationaux lui avait confirmé que la scierie Jöltzer figurait bien dans le bottin de téléphone de la région de Klagenfurt. Charles partageait la frustration de son amie. Mais pour lui, ce n’était que partie remise. Tous deux finiraient bien par retrouver Kennetz, il en avait l'intime conviction…

 

 


Chapitre 35


     

     La nuit portant conseil, le lendemain matin Charles et Ania avaient opté pour une stratégie. Elle consistait à se rendre dans la région de Sankt-Anton et, sur place, à se renseigner sur les éventuelles scieries existant à proximité de la station. La carte routière de Charles étant à grande échelle, il était fortement probable que certains petits villages n'y figuraient pas. Et qui sait si une scierie n'était-elle pas établie dans l'un d'entre-eux. Le départ de Klagenfurt avait été fixé à six heures du matin, mais Ania fut malade durant la nuit, souffrant de maux de tête et de nausées. Prévenant, Charles la laissa dormir une partie de la matinée. Jusqu’à ce qu’elle se levât, sur le coup de neuf heures, affirmant être en meilleure forme. Dans cet intervalle inattendu, son ami en avait profité pour, grâce à son guide touristique, se mettre à la recherche d’un logis dans la région. Ainsi, avait-il réservé une chambre dans un hôtel de Bludenz, une petite ville sise à vingt kilomètres au sud-est de Feldkirch. 
     A 17 heures 30, l'Opel arrivait à Sankt-Anton. Mais elle continua sa route. Ania n'étant pas au mieux de sa forme, Charles avait décidé de conduire sur tout le trajet. Et après plus de sept heures de route, il était exténué. Si bien que les jeunes gens décidèrent de rejoindre directement leur hôtel de Bludenz. Ils reprendraient leurs recherches dès le lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil. Ils continuèrent donc sur la route nationale reliant Sankt-Anton à Feldkirch et, en cette fin d’après-midi, la circulation était assez dense. Ce n’est qu’en passant devant elle que, quelques minutes plus tard, les jeunes gens aperçurent une scierie située un peu en retrait de la route, juste après l’entrée d’un village dont ils n’avaient même pas retenu le nom. Trois cents mètres plus loin, l’Opel stoppait en toute hâte devant une petite église. Bouche bée, Ania et Charles, tous deux soudain ragaillardis, échangèrent un regard entendu et, une minute plus tard, la voiture venait se garer le long de l’Alfenz, un petit cours d’eau de montagne au bord duquel la scierie avait été construite. Lentement, Ania et Charles quittèrent l'Opel. Puis, d’un pas plus décidé, ils commencèrent à longer la bâtisse. En ce début de soirée, sans doute devait-elle être fermée, car l’endroit était parfaitement silencieux. Le cœur battant, ils débouchèrent sur ce qui devait constituer l’entrée de la scierie. Sur la grande porte de bois, une affiche avait été agrafée. Elle mentionnait que, pour raison de vacances annuelles, la scierie serait fermée jusqu’au 26 août 1963. Déçus, les jeunes gens s’approchèrent cependant d’une vieille boîte aux lettres fixée sur une porte située un peu plus en retrait. Sur sa carcasse rouillée était collé un petit rectangle de papier, sur lequel figuraient ces deux mots tracés au crayon : 

SCIERIE JÖLTZER

     Stupeur ! Ils l’avaient trouvée. Sur un coup de chance monumental et incroyable. Très vite ils regagnèrent leur voiture. Sans en être encore revenus et durant un long moment, ils se mirent à réfléchir tout haut. Que leur fallait-il faire ? Scierie fermée ne signifiait  pas forcément propriétaire absent. Le cas échéant, ils n’avaient plus qu’à rentrer chez eux. Dans le cas contraire, il leur fallait localiser Kenetz-Jöltzer. Ania au volant, ils se remirent en route et traversèrent le village. Celui-ci était petit et comportait peu d’habitations situées le long de la route. Par contre, de chaque côté de celle-ci, sur les hauteurs, plusieurs chalets  avaient été érigés. Sur le conseil de son ami, Ania fit demi-tour et vint garer à nouveau la voiture devant l’église. Le hameau était désert et, s’ils parvenaient à trouver le prêtre ou le pasteur du lieu, peut-être pourraient-ils en savoir davantage sur le domicile et l’emploi du temps actuel de l’ancien SS. Soudain, Ania prit le bras de son ami, lequel avait ouvert la portière pour s'extraire de la voiture. Charles l'interrogea du regard. Elle lui demanda de rester dans l'auto, lui expliquant qu'il ne fallait pas se lancer à la recherche de Jöltzer avec leur voiture. S'ils en avaient loué une à Klagenfurt, c'était bien pour cette raison. Charles approuva. Ils décidèrent alors de gagner Bludenz et de reporter leur recherche au lendemain, tout en espérant trouver une agence de location de voitures dans la ville. En quittant ce village, qui ne figurait pas sur leur carte routière, Ania qui l’avait oublié, demanda à son ami s’il se souvenait quel était son nom. Il répondit par la négative. Atteignant la limite ouest de la commune, tous deux se retournèrent brièvement pour lire le panneau planté là. La scierie se trouvait dans le village de Dalaas.
    Le lendemain, en fin de matinée et à bord d'une Ford Taunus louée à Feldkirch, Ania et Charles étaient de retour dans le village. Ils n'avaient pas trouvé d'agence plus proche, ni à Bludenz, ni à Sankt-Anton. Dans la petite église, un prêtre en soutane était en train de passer l’aspirateur sur le tapis menant à l’autel. Semblant surpris de les voir pénétrer dans la nef et s'approcher de lui, il leur demanda s'ils venaient à confesse. Souriant à cette hypothèse, les jeunes gens déclinèrent poliment l'invitation. Jovial et avenant, le Père Heiniger paraissait cependant très âgé et, malheureusement, il ne put répondre à aucune de leurs questions. Non pas parce qu’il était sourd ou presque, mais pour la simple et bonne raison qu’il n'avait repris la tête de la paroisse que depuis une dizaine de jours seulement. Et, leur avoua-t-il humblement, il n’avait pas encore rencontré le propriétaire de la scierie. Déçus, les jeunes gens remercièrent le prêtre et quittèrent la chapelle. Réfléchissant à ce qu'ils allaient faire, ils aperçurent, de l'autre côté de la route, un homme occupé à entretenir le jardinet situé sur le flanc de sa maison. L'abordant, ils lui demandèrent s’il connaissait le menuisier et son domicile. Réponse affirmative : Franz Jöltzer possédait un chalet dans le village voisin de Wald am Arlberg. Mais il ignorait si cet homme fort peu sympathique était chez lui ou s’il était parti en vacances. Demandant des précisions quant à l’endroit où se trouvait son habitation, il leur fut répondu que celle-ci était située à l’entrée du village, à flanc de colline. Et que si le menuisier était chez lui, ils le sauraient immédiatement, car il garait toujours sa superbe BMW rouge sous l’auvent accolé à son chalet. Satisfaits, les jeunes gens exprimèrent leur gratitude à cet homme providentiel, puis ils gagnèrent leur auto et se remirent en route. Wald am Arlberg se trouvait à moins de cinq kilomètres. Le village n’était pas très étendu. Au nord de la commune, entre route et forêt, et sur une immense parcelle en pente formant un rectangle de verdure, plusieurs chalets avaient été érigés, tous disséminés autour d’une magnifique petite église. En arrivant de Dalaas, l’habitation du propriétaire de la scierie devait donc se trouver au début de cette parcelle. Excités par la proximité ressentie d’un dénouement imminent, Ania et Charles pouvaient embraser du regard la totalité de la surface habitée. Hélas, pas la moindre voiture rouge en vue. Ils furent donc contraints d'aller voir sur place et de vérifier le nom des propriétaires à leurs boîtes aux lettres. Résultat négatif pour les deux premiers chalets visités. Au troisième, deux enfants jouaient sur la pelouse. Charles leur demanda s'ils connaissaient monsieur Jöltzer. Réponse négative. Alors qu'ils s'apprêtaient à continuer leur prospection, une femme apparut sur le pas de porte de la maison. Elle leur demanda si elle pouvait leur être utile. Ania réitéra la question de son ami. La femme désigna un chalet, beaucoup plus haut, situé à la lisière de la forêt. C'est là qu'il habitait. Mais, leur précisa-t-elle, le propriétaire devait être en vacances, car cela faisait plus d'une semaine qu'elle ne l'avait pas aperçu, ni même sa très belle voiture. Les deux jeunes gens remercièrent et retournèrent à leur auto, une fois encore très déçus.

     

     Dans leur hôtel de Bludenz, Charles et Ania se sentaient complètement découragés. Ils avaient retrouvé la scierie et la demeure de Kenetz. Mais lui n'était pas là. Et d'abord, s'agissait-il vraiment de lui ? Aucune certitude avant qu'Ania ne l'ait identifié. C’était le 14 août et la scierie ne rouvrirait pas avant le 26. Ce jour-là, Charles devait impérativement reprendre son travail aux FTR. Ils devaient donc renoncer à leur projet. Pour l'instant du moins. Car ils tenteraient de revenir le plus tôt possible. Ania était libre jusqu'à la fin de l'année et Charles disposait encore d'une semaine de congé, à placer dès son retour. Mais il ne se faisait pas d'illusions. Dès la rentrée, et pour deux mois, il ne pourrait pas obtenir ces sept jours de vacances. Dans sa fonction, septembre et octobre figuraient parmi les mois les plus chargés de l'année. Cela reportait donc le projet en novembre, au plus tôt. Trois mois ; trois mois d'attente. Trois mois à gamberger, à douter, à se poser des questions sur la légitimité de leur action. Ania craignait que, soudain découragée, elle ne soit tentée de renoncer. Les deux jeunes gens demeurèrent dans leur chambre jusqu'au soir. A lire, à dormir, à faire l'amour et à se reposer. Le lendemain matin, ils mirent le cap sur la Suisse, pour un triste chemin de retour. Mais la nuit avait accompli son œuvre de conseil et de réflexion sur la jeune femme : plus que jamais, elle était déterminée à revenir et, avec l'aide de Charles, à prendre en main le cas de cette ordure de criminel nazi qu'était Johann Kenetz…

 

 


Chapitre 36


     

     Le lundi 18 novembre, à 9 heures du matin, Charles et Ania se remettaient en route pour l'Autriche. Le vendredi précédent, le jeune homme avait pris la peine de vérifier par téléphone que Jöltzer serait bien présent dans sa scierie durant la semaine. Il avait utilisé le même stratagème que trois mois plus tôt à Köttmannsdorf, et un employé du nom de Walcher lui avait certifié que son patron serait bien là à partir du 18. En milieu d’après-midi, après avoir franchi la frontière sans problème, Ania et Charles arrivaient dans la petite ville autrichienne de Feldkirch. Durant les trois mois pendant lesquels ils avaient dû patienter, depuis le retour de l’expédition ratée du mois d’août, ils avaient eu tout le temps de peaufiner leur plan d'action. Guides touristiques et cartes de la région avaient été étudiés minutieusement. A Feldkirch, ils avaient repéré un grand parking libre d'accès. Ils allèrent donc y garer leur fidèle Opel Kapitän. Une voiture de location, réservée depuis la Suisse, les attendait dans l'agence Hertz de la ville. Cette fois-ci, c’est Ania qui, seule, en prit possession. La jeune femme avait coupé ses cheveux et avait coiffé une perruque de couleur châtain lui seyant à merveille. Quant à Charles, il portait un chapeau et avait collé sous son nez, une fausse moustache plus vraie que nature. Une demi-heure plus tard, Ania était de retour et embarquait son ami dans l'Opel Rekord de location. Aussitôt, ils se mirent en route et, à 17 heures, ils débarquaient dans leur hôtel de Sankt-Anton.
     Le lendemain matin, depuis une cabine téléphonique du village, Charles rappela donc la scierie Jöltzer. Et c’est encore le dénommé Walcher qui lui répondit. Le jeune homme demanda à parler à son patron. Il était 9 heures 30 et il apprit que Jöltzer était absent pour le moment, mais qu’il avait un rendez-vous prévu à 11 heures à la scierie. Walcher lui conseilla donc de passer en début d’après-midi, plutôt après 14 heures. Immédiatement, les jeunes gens se mirent route pour Dalaas. Le jour précédent, alors qu'ils passaient dans le village en venant de Feldkirch, ils avaient remarqué que, cinquante mètres après celle-ci, une petite route enjambait l’Alfenz, puis se divisait en deux. La voie principale montait sur les hauteurs du hameau, cependant qu’un chemin étroit et caillouteux longeait l’autre côté du cours d’eau en direction de la scierie. Charles avait alors engagé l’Opel sur cette voie et, quelques secondes plus tard, il la stoppait derrière une haie séparant la route de la rivière. De là, les deux jeunes gens disposaient d’un point de vue idéal et relativement à l’abri sur la cour de la scierie. A 10 heures 20, en ce matin du 19 novembre, l’Opel Rekord était donc venue se positionner au même endroit. Ania était au volant et, sur ses genoux, elle avait déposé une paire de puissantes jumelles. Moins de vingt minutes plus tard, une BMW 503 rouge vint se garer dans la cour. Le cœur d’Ania, une fois encore, était en bonne voie de battre son record de pulsations à la minute. Les mains tremblant légèrement, la jeune femme porta les jumelles à ses yeux et vit que l’homme était en train d'ouvrir la portière de sa voiture. Il descendit de celle-ci et offrit sans le savoir son visage au regard d’Ania. Le cœur de la jeune fille cessa de battre durant un quart de seconde, puis repartit de plus belle. C’était lui ! C’était bien Kenetz ! Elle en était certaine. Le même visage de brute, à peine vieilli par les années. Avant qu’il ne pénètre dans la scierie, Ania passa les jumelles à Charles, mais celui-ci ne vit que le dos de l’homme, juste avant qu’il ne disparaisse dans la pénombre de la cour. Malheureusement, ni lui ni Ania n’avaient eu le temps d’examiner sa main gauche.
     Sans attendre davantage, les jeunes gens décidèrent de  repartir pour Sankt-Anton. Dès la sortie de Dalaas, Ania s’arrêta pour passer le volant à son ami. La jeune femme était dans un état de fébrilité intense. Vingt ans après le camp de Lublin, vingt ans après l’assassinat de ses parents bien-aimés, elle venait de se retrouver face à l’homme qu’elle haïssait le plus au monde. Vingt longues années de peine, de doute, de nuits blanches et de cauchemars. Vingt ans à vivre avec l’image insoutenable de sa maman s’écroulant sur le pas de porte de leur maison de Zawadka. Vingt ans à entendre les mitraillettes crépiter autour de son papa qui livrait alors un dernier baroud d’honneur pour tenter d’arracher sa petite fille aux griffes des nazis. Vingt ans à rêver de tenir, avec une arme, cette ordure de SS en joue. Vingt ans à rêver que, le jour venu, elle s’en servirait sans la moindre hésitation. Kenetz était à portée de sa main justicière. Enfin elle le tenait. Il était là, prêt à payer. Bon à expier ses crimes !
     

     Sur insistance de Charles, Ania avait accepté de ne pas entrer en scène avant le dénouement de leur scénario. Inutile de prendre le risque que Kenetz, rendu méfiant par une possible défaillance de la jeune fille en sa présence, ne les démasque. C’est donc le jeune homme qui allait mener les tractations concernant le pseudo-achat des planches destinées à rénover un chalet qui n’existait pas. Pour cela, il fallait absolument qu’il puisse confirmer que l'ancien SS était bien amputé de son petit doigt gauche. Ce détail, ayant valeur de preuve infaillible, les jeunes gens le devaient à Marie, laquelle avait minutieusement décrit l’ancien SS dans une lettre adressée à ses parents et qu’Eva avait donné lire à Ania après les révélations du 27 janvier 1957. Bizarre que Marie ait relevé clairement cette particularité. Comme si elle avait deviné que ce petit handicap servirait un jour à quelqu’un pour identifier cet assassin. Parce qu'Ania, sans doute trop petite à l'époque, ne s'en souvenait absolument pas. Le même jour donc, à 14 heures, la jeune femme déposait Charles devant le commerce de bois, puis allait garer la voiture un peu plus loin. Alors qu’elle demeurait à bord, son ami se présentait à la scierie. Dix fois, vingt fois, il avait répété ce qu’il avait prévu de dire, et il se sentait prêt. La seule chose qu’il craignait était que Kenetz ne propose de venir lui-même au chalet voir ce dont il avait besoin. Mais ce ne fut pas le cas. L'homme se montra peu bavard, distant et froid, semblant à peine intéressé par la transaction. Mais il accepta de lui vendre les vingt planches de sapin. Charles, à son propre étonnement assez sûr de lui, avait fourni les dimensions et, s'étant mis d'accord sur le prix, il avait été convenu qu’elles seraient prêtes le surlendemain dans l’après-midi. Le jeune homme lui répondit qu’il ne pourrait pas passer les chercher avant samedi matin, prétextant qu’il ne disposerait pas d'un véhicule capable de les transporter avant deux jours. Ayant pris note, l'ancien SS lui proposa, contre un petit supplément, de les faire livrer par son personnel, ce que le jeune homme refusa poliment. Le raccompagnant vers la sortie, Kenetz prit alors congé de lui sans même lui serrer la main. En venant se rasseoir dans la voiture, Charles ne fut pas surpris de constater que le regard d’Ania était interrogatif comme il l’avait rarement été. Il lui raconta l’entrevue et évoquant le détail si important auxquels tous deux pensaient, lui confirma que Jöltzer avait bien l’auriculaire de la main gauche sectionné. Une preuve flagrante mais presque superflue pour Ania, tant elle était persuadée d'avoir reconnu Kenetz le matin même.
     Pour les jeunes gens, la première partie du plan avait été parfaitement menée. Dès lors et tout au long des jours suivants, ils pourraient se concentrer sur le deuxième volet de celui-ci : une mission de surveillance qu’ils allaient se partager. Celle-ci consistait à épier les allées et venues de Kenetz autour de son chalet, le but étant de noter les heures de sortie et de rentrée du bonhomme. Confiant et déterminé, Charles débuta les séances de guet le soir même de ce mardi. Ayant garé sa voiture en lisière de forêt, le long d’un petit chemin forestier depuis lequel, sans être vraiment visible, il apercevait parfaitement la demeure de Kenetz, il se mit à l’affût. Ania fit de même le lendemain matin. Et ainsi de suite, jusqu’au jeudi soir. De la synthèse des mouvements du SS, ils purent établir qu’il quittait le chalet vers 7 heures 30 le matin. Son retour était plus fluctuant, se situant entre 18 heures 30 et 20 heures. Au départ, comme au retour, il s’avéra que le gaillard était toujours seul. Et, à part le facteur, nulle autre personne ne s’était approchée du chalet durant ces deux jours et demi. Ania et Charles convinrent donc de passer à la troisième et dernière partie de leur plan dès le vendredi soir. Il était impératif qu’elle se déroule à ce moment-là de la journée, parce que Kenetz serait immobilisé chez lui. S’emparer de lui avant ou pendant une journée de travail était une chose à éviter, certaines personnes étant susceptibles de se mettre à sa recherche s'il ne se rendait pas à la scierie le matin ou l’après-midi. Pour Charles et Ania, la dernière nuit et la journée suivante promettaient donc de se révéler assez stressantes.
     

     Ce matin-là, le ciel était d'un gris monotone et triste. Les jeunes gens avaient passé le temps à réviser leur plan et à répéter le déroulement de l'action. Ils avaient soigneusement contrôlé le fonctionnement de leurs "armes". Depuis leur retour de Köttmannsdorf, Ania avait continué à travailler sa technique et le maniement de la sienne, alors que Charles avait paré son SIG d’un canon de 7,65. Ainsi équipé, il avait adhéré à la section "Armes à feu" de "l’Arbalète", une société de tir sportif neuchâteloise. Très régulièrement, il avait suivi les entraînements, s’exerçant à manipuler son pistolet. Prétextant des tirs trop bruyants, chez un marchand d’armes de sport il avait déniché un silencieux de 150 millimètres, ainsi que de la munition subsonique. Tout cela très légalement, la Suisse possédant alors une législation très tolérante en la matière. De fait, sur présentation d’une pièce d’identité et d’un extrait de casier judiciaire vierge, n’importe qui pouvait acheter ce genre d’arme dans ce pays. Dans cette configuration modifiée, le SIG voyait son niveau de bruit abaissé de près de 40 décibels. Avec ça, Charles avait emporté un seul chargeur de neuf coups, le calibre restreint du canon permettant de bénéficier d’une balle supplémentaire.
     A midi, ayant réglé la note, le couple avait quitté son hôtel. Après être allés manger dans un restaurant de la ville, Charles et Ania avaient un peu flâné dans Sankt-Anton. Au début de l'après-midi, signe encourageant, le soleil était revenu. Ils vérifièrent encore leur matériel et révisèrent une antépénultième fois leur plan d’action. Ils se sentaient parfaitement au point et, désormais, il ne leur restait plus qu’à patienter. Après s'être baladés en voiture, histoire de passer le temps, ils étaient demeurés à l’intérieur de celle-ci à évoquer un très proche "après Kenetz", à se câliner et s’encourager mutuellement. Depuis vingt ans qu’ils se connaissaient, ils pensaient bien avoir atteint un moment clé de leur histoire. Plus que jamais, ils avaient besoin d’être unis et déterminés dans l’action qu’ils entendaient mener. Une action illégale et condamnable par la justice ; la plus importante qu’ils n’auraient jamais à mener, et nécessaire pour demeurer en plein accord avec leur conscience. Ania savait très bien que, finalement, elle seule était véritablement concernée. Tout ce que Charles ferait, il l’accomplirait par amour pour elle. Plusieurs fois, elle s’était posée la question et en avait parlé avec lui : avait-elle le droit d’exiger cela de son ami ? Toujours, celui-ci avait affirmé que oui. Parce que pour lui, une seule chose comptait : qu’Ania, après toutes ces années de souffrance, soit enfin heureuse. Et ce bonheur, quoi qu’il lui coûte, ne serait jamais trop cher à ses yeux. Alors, autant qu’Ania, Charles souhaitait de tout son cœur que cette action soit couronnée de succès. Et il était persuadé qu’elle le serait. Ania aussi y croyait. Autant pour que justice soit enfin rendue à ses parents et à Marie, mais aussi parce que, grâce à cette victoire avant tout sur elle-même, sa vie serait définitivement liée à celle de Charles Barras, à tout jamais. A 17 heures 30, ce dernier mit le moteur de la voiture en marche. Saisissant la main gauche de son amie, il y déposa un léger baiser.  Amoureusement, Ania lui sourit, puis elle se pencha à son oreille et lui murmura, en polonais :
   - "Kocham ciÄ™"  !
Emu, Charles embraya alors rapidement…

 

[1] Je t'aime

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